Il faut que je vous raconte ce petit
incident qui s'est produit, lors de notre dernière répétition.
J'ai souvent eu l'occasion de vivre ce
genre d'instant cocasse que la providence sait parfois, nous fournir
dans ces aventures souvent joyeuses que sont les répétitions
d'œuvres lyriques.
Nous attaquions la fin de l'acte II,
lorsque Pâris, le bellâtre suborneur, est démasqué par la cour
de Sparte en délire. Sous les ordres d'un chef de chœur englué
dans une grippe naissante, on attaque une bordée vengeresse et
tonitruante contre le vilain « gigolo ! »
« Va pars séducteur, pars plus
vite que ça » !
Ah ! C'était du plus bel effet !
Seulement nous n'avions pas fait attention à la présence d'un jeune
technicien du conservatoire qui s'était glissé subrepticement
devant la scène, pour retrouver un trousseau de clés égaré. Il
s'est pris la « canonnade vocale » en pleine tronche. Il
nous a regardé avec les yeux d'un lapin pris dans les phares d'une bagnole ! Pendant une fraction de seconde, il a cru que c'était
pour lui ! Quelle idée ? Je ne vous explique pas les
hurlements de rire qui ont accompagné sa retraite vers la sortie.
Oh ! Je sais bien ! Il n'y a
pas de quoi se réveiller la nuit pour se la raconter en boucle. Mais
ce sont ces petits moments de bonheur qui nous font avoir cette
patience de Sisyphe pour supporter ces longs moments de répétition
nécessaires pour être fin prêts le jour du grand spectacle.